25.07.2024

Myriam Pruvot, une artiste qui s’essaie à tout

Actualité

Vous avez peut-être déjà vu son nom sur Radio­la. Myriam Pru­vot réa­lise des créa­tions sonores où s’entremêlent tous les contraires. En juin der­nier, elle a rem­por­té le Grand Prix Nova 2024 Roma­nia grâce à sa pièce Onda & Sto­ria, une fic­tion musi­cale dis­po­nible sur la pla­te­forme. Eprise de plu­ra­li­té et d’indépendance, bien­ve­nu dans le por­trait d’une artiste éclec­tique.

 

Myriam Pru­vot, rési­dence de créa­tion au théâtre Péri­scope à Qué­bec, juin 2024 © Marion Des­jar­dins

 

Une artiste multidisciplinaire

La créa­tion sonore, c’est tout un pro­ces­sus d’écriture, d’habillage sonore, de créa­ti­vi­té et de construc­tion d’imaginaires avec lequel Myriam Pru­vot est fami­lière. Cette artiste for­mée aux Beaux-Arts en France, est arri­vée en Bel­gique à la recherche de varié­té et de mélange qu’on retrouve si sou­vent dans son tra­vail. Son par­cours, à l’image de ses créa­tions, est loin d’être linéaire et res­semble si bien à ce qui la fait vibrer, la diver­si­té et la mul­ti­dis­ci­pli­na­ri­té. D’abord ensei­gnante d’édition, elle cultive un appé­tit pour le son et la musique mais aus­si la danse et les arts visuels. Avec ses créa­tions, elle lie à la fois le tou­cher et le son, deux aspects pour elle essen­tiels et si proches. « Le son c’est l’instabilité, il trans­porte dans un ima­gi­naire et per­met une approche sen­sible de l’espace et du temps. Il y a un point de vue poli­tique car il résiste à la maî­trise et per­met une sorte de muta­tion ».

Quand Myriam parle, elle prend le temps. On sent la réflexion dans ses paroles, la recherche et la construc­tion. Elle marque des pauses, réflé­chit et ne laisse rien au hasard. Dans son ima­gi­naire, elle lie les oppo­sées. « Je me suis pas­sion­née pour la musique ancienne que j’aime mêler à la musique expe­ri­men­tale. La ques­tion de la moder­ni­té, du temps « queer » prend aus­si beau­coup de place dans mon tra­vail ». Les « endroits de fric­tions », c’est le cœur de ses créa­tions. Myriam asso­cie les contraires, les points de chutes, le corps et l’esprit, la poé­sie et l’engagement. Un enga­ge­ment pré­sent jusque dans son pro­ces­sus de créa­tion, une auto­no­mie à toute épreuve.

 

Pouvoir être indépendante

Tout faire et tout connaître. C’est sur­tout ce qui res­sort de cette créa­trice qui puise sa force dans son indé­pen­dance. « J’ai un goût pour l’apprentissage, une curio­si­té qui me per­met de m’initier, de faire moi-même ». Du field recor­ding, au mon­tage en pas­sant par le mixage, Myriam connait la tech­nique sur le bout des doigts. « Cela me per­met de pou­voir m’assurer une cer­taine indé­pen­dance au niveau de la créa­tion ». Cette indé­pen­dance est for­te­ment liée à son enga­ge­ment. Quand on y pense, il existe encore trop peu de repré­sen­ta­tion fémi­nine dans les domaines tech­niques. Dans ce milieu fon­ciè­re­ment mas­cu­lin, Myriam se crée son espace et pro­pose éga­le­ment de l’ouvrir à d’autres femmes. Pro­fes­seure à la Cambre, elle s’est entou­rée d’une équipe exclu­si­ve­ment fémi­nine com­po­sée de Céline Gil­lain, Julia Eck­hardt et Caro­line Pro­fan­ter. Ensemble, elles enseignent la tech­nique sonore aux étudiant.es en par­tant de la thèse très éman­ci­pa­trice de Don­na Hara­way, Le mani­feste cyborg. Dans cet essai, Hara­way inter­roge notre per­cep­tion de la machine et de la nature. Le mani­feste cyborg pro­pose une cri­tique des caté­go­ri­sa­tions de genres et il est ain­si le point de départ du cours de Myriam Pru­vot et ses col­lègues. Ce cours a pour ambi­tion de rendre la tech­nique plus acces­sible et décons­truire l’idée qu’elle s’adresse majo­ri­tai­re­ment aux hommes.

Cette décons­truc­tion Myriam la retrouve dans l’essence même de la créa­tion sonore. « En tant que femme, on est sou­vent ren­voyée à notre image. Avec le son, on peut mode­ler notre iden­ti­té et la réin­ven­ter, ça per­met d’aller au delà de nos assi­gna­tions ».

 

Vous l’aurez com­pris, le tra­vail de Myriam Pru­vot jongle avec les styles, les genres et les époques. Il est fait de liens oppo­sés dans une visée éman­ci­pa­trice, expé­ri­men­tale et mêlé de voix et de musique. Ses créa­tions sonores sont à décou­vrir sur Radio­la, bonne écoute !

 

Ali­cia Séné­chal