Myriam Pruvot, une artiste qui s’essaie à tout
Vous avez peut-être déjà vu son nom sur Radiola. Myriam Pruvot réalise des créations sonores où s’entremêlent tous les contraires. En juin dernier, elle a remporté le Grand Prix Nova 2024 Romania grâce à sa pièce Onda & Storia, une fiction musicale disponible sur la plateforme. Eprise de pluralité et d’indépendance, bienvenu dans le portrait d’une artiste éclectique.
Une artiste multidisciplinaire
La création sonore, c’est tout un processus d’écriture, d’habillage sonore, de créativité et de construction d’imaginaires avec lequel Myriam Pruvot est familière. Cette artiste formée aux Beaux-Arts en France, est arrivée en Belgique à la recherche de variété et de mélange qu’on retrouve si souvent dans son travail. Son parcours, à l’image de ses créations, est loin d’être linéaire et ressemble si bien à ce qui la fait vibrer, la diversité et la multidisciplinarité. D’abord enseignante d’édition, elle cultive un appétit pour le son et la musique mais aussi la danse et les arts visuels. Avec ses créations, elle lie à la fois le toucher et le son, deux aspects pour elle essentiels et si proches. « Le son c’est l’instabilité, il transporte dans un imaginaire et permet une approche sensible de l’espace et du temps. Il y a un point de vue politique car il résiste à la maîtrise et permet une sorte de mutation ».
Quand Myriam parle, elle prend le temps. On sent la réflexion dans ses paroles, la recherche et la construction. Elle marque des pauses, réfléchit et ne laisse rien au hasard. Dans son imaginaire, elle lie les opposées. « Je me suis passionnée pour la musique ancienne que j’aime mêler à la musique experimentale. La question de la modernité, du temps « queer » prend aussi beaucoup de place dans mon travail ». Les « endroits de frictions », c’est le cœur de ses créations. Myriam associe les contraires, les points de chutes, le corps et l’esprit, la poésie et l’engagement. Un engagement présent jusque dans son processus de création, une autonomie à toute épreuve.
Pouvoir être indépendante
Tout faire et tout connaître. C’est surtout ce qui ressort de cette créatrice qui puise sa force dans son indépendance. « J’ai un goût pour l’apprentissage, une curiosité qui me permet de m’initier, de faire moi-même ». Du field recording, au montage en passant par le mixage, Myriam connait la technique sur le bout des doigts. « Cela me permet de pouvoir m’assurer une certaine indépendance au niveau de la création ». Cette indépendance est fortement liée à son engagement. Quand on y pense, il existe encore trop peu de représentation féminine dans les domaines techniques. Dans ce milieu foncièrement masculin, Myriam se crée son espace et propose également de l’ouvrir à d’autres femmes. Professeure à la Cambre, elle s’est entourée d’une équipe exclusivement féminine composée de Céline Gillain, Julia Eckhardt et Caroline Profanter. Ensemble, elles enseignent la technique sonore aux étudiant.es en partant de la thèse très émancipatrice de Donna Haraway, Le manifeste cyborg. Dans cet essai, Haraway interroge notre perception de la machine et de la nature. Le manifeste cyborg propose une critique des catégorisations de genres et il est ainsi le point de départ du cours de Myriam Pruvot et ses collègues. Ce cours a pour ambition de rendre la technique plus accessible et déconstruire l’idée qu’elle s’adresse majoritairement aux hommes.
Cette déconstruction Myriam la retrouve dans l’essence même de la création sonore. « En tant que femme, on est souvent renvoyée à notre image. Avec le son, on peut modeler notre identité et la réinventer, ça permet d’aller au delà de nos assignations ».
Vous l’aurez compris, le travail de Myriam Pruvot jongle avec les styles, les genres et les époques. Il est fait de liens opposés dans une visée émancipatrice, expérimentale et mêlé de voix et de musique. Ses créations sonores sont à découvrir sur Radiola, bonne écoute !
Alicia Sénéchal